C'est pour la bonne cause. Quoi donc ? Mon silence, depuis des lustres.
Avril. Ça filoche.
J'ai enfin écrit mon livre. Dit comme ça, j'avoue que c'est presque aussi excitant qu'une raie de plombier, mais à l'intérieur je bouillonne.
Cinq mois pour écrire mon roman d'apprentissage - c'est comme ça qu'on dit -, ou récit initiatique.
Deux pages par jour sauf au mois d'août, relâche. J'ai posé le premier point final, celui de la V1, dimanche.
Les pointilleux ont déjà calculé, je le sais, vous êtes comme ça les gens : "mais dis donc ça fait donc quatre mois à deux pages/jour tu devrais être à 240 pages !", c'est quoi le délire ? C'est qu'on se ferait engueuler...
Le délire, c'est qu'on n’écrit jamais vraiment tous les jours. Les samedis il faut faire les courses et voir les copains. Le dimanche il faut visiter la famille ou l’Ehpad. Le mardi il faut aller chez le véto et le jeudi y'a danse celtique.
Cela demande une discipline de Nadal pour écrire un livre. Et puis, même quand t'écris, tu supprimes. Avant on raturait, éventuellement on gommait. Maintenant, en un clic, on perd l'espoir par paquets de dix. Viens que je sélectionne, et viens que je delete.
Quand on me demande le style, je dis que c'est un mix de Laurent Gounelle, William Boyd, Lewis Carroll et PG Wodehouse. Pas moins, haha. Un écrivain a besoin de rêver, et pas seulement à l'Euromillions.
Depuis cinq mois, j'ai avancé comme un bulldozer, sans jamais me retourner.
SAUF. Il y a trois jours, pour les trois derniers chapitres (sur un total de 26).
J'ai eu besoin que tout reprenne corps et boucle la boucle comme il fallait.
J'ai tout relu en deux jours, sans rien supprimer, ni pleurer de désespoir.
Je l'aime beaucoup ce livre. Je le dis d'autant plus tranquillement que ça faisait longtemps que je n'avais pas aimé ce que j'écrivais.
C'est à la fois grave et léger, drôle et sombre, essentiel et dérisoire (c'est beau comme du Lara Fabian).
De quoi ça parle ? Pfff, toujours ce besoin de savoir, c'est fou.
C'est la descente dans les entrailles du monde d'un homme un peu cynique à mi-parcours de vie. Suivez mon regard.
Mais ce n'est pas du tout autobiographique ! Seulement par bribes, évidemment, on n'échappe pas à son cerveau.
C'est un voyage un peu fou dans un espace temps singulier, au cours duquel il rencontre des gens, importants, avec qui il parle de la vie, de l'éternité, de religion, de l'absurdité radicale de tout, du suicide, de l'amour, des enfants, etc. Parfois il prend des substances, parfois il frôle la mort, souvent il se moque, toujours il veut comprendre.
Maintenant je vais entamer le travail le plus important : la taille de la pierre, la V2. Chaque phrase doit pouvoir être améliorée, chaque verbe faible peut laisser sa place, et n'oublions pas les analogies, les métaphores, les références...
Je vise la fin septembre si je bosse bien, mais la vie ayant repris, ça va être chaud patate.
Ensuite, t'as capté, il va falloir envoyer tout ça à des gens, qui vont le lire, les salopards. Comme un candidat qui présente son Paris-Brest à Mercotte, je vais attendre des verdicts et des suggestions, ce sera le temps de la V3.
Après tout ça, si tout se passe bien, il y aura un jour une V4, toute belle, toute chaude, que je pourrai regarder tendrement.
J'espère ça au Printemps.
It's a long way to go, but the beer is cold (expression inventée).
À mardi prochain !
Tu devrais l’avoir la prétention mec, je prendrais un abonnement. Et ça rapporterait probablement plus pour toi que ton prochain livre.
Juste de lire tes postes, on est déjà en voyage !