5 kilos en 45 jours, et ça continue...
En plus ou en moins ? C'est ça la question. Mais motivé comme un Brad Pit Bull.
À 18 ans je me trouvais trop maigre.
Je mesurais 1m77 et pesais 66 kilos ; je rêvais d’atteindre 73.
Mes potes étaient gaulés, on voyait leurs abdos. Ils étaient classés au tennis ou skiaient hors piste dans une poudreuse dans laquelle je restais bloqué comme un panda en pleine digestion. En séjour à la montagne, j’étais le pote qui gardait les sacs au bar d’altitude. Je veillais sur les meufs façon Jean-Claude Dusse de Paris. Je sortais tard, ou tôt.
De retour de boîte de nuit, il est arrivé cent fois que je croise mes amis sur le pallier tandis qu’ils partaient pour une randonnée matinale avec des barres de céréales dans des sacs à dos conçus à cet effet ; le genre de sac avec des poches latérales.
J’étais jet lag en plein jour, on se retrouvait à l’heure de ma sieste.
Je suis parti à 24 ans accomplir un service militaire musclé à Tahiti ; Régiment d’Infanterie de Marine du Pacifique Polynésie. A priori ça sonne comme des vacances, mais détrompez-vous. À part le décor, tout le reste c’était sport et exercices à haute dose, sous le soleil frappant et dans une humidité proche de 100%. Tu développes à la fois tes abdos et tes mycoses, mais t’es bien. Je suis alors passé à 73 kilos. Mon « poids de forme », comme ils disent dans les tutos TikTok.
De 24 à 30 ans, je n’ai pas bougé d’un gramme, profitant d’un corps idéal (toutes choses comparables par ailleurs), buvant et mangeant à volonté, jouant au foot et au tennis, nageant de temps en temps, sortant plus que raisonnable et profitant de tous les plaisirs. À 30 ans je me suis marié, dans la foulée j’ai produit deux enfants (garçon puis fille), monté ma boîte de com’ et commencé à écumer les dîners. Peu à peu j’ai vu le dossier s’épaissir, doucement, discrètement.
Quelques années plus tard j’accusais 79 kilos : j’avais donc pris treize kilos depuis ces fameux 18 ans...
C’est le ventre qui s’est exfiltré, l’équivalent d’un petit six mois de grossesse mais conçu à la bière, au mi-cuit et au stress. Stabilisé, mais avec la petite bedaine de l’homme (on appelle ça des poignées d’amour, c’est bien gentil), j’ai toujours affirmé du haut de ma balance que « jamais je n’atteindrai ni ne dépasserai 80 kilos ! Jamais ! ». Force est de constater, comme disent les footeux, que j’ai échoué. J’ai franchi cette barre pendant le confinement. Il fallait compenser l’ennui et le regard réprobateur de mon Golden, alors je fumais et buvais quelques coups en attendant 20h qu’on applaudisse sur nos balcons.
Il y a quelques mois, le 4 mai 2022, dans la cabine d’essayage de ce magasin à la mode, j’ai vu ma silhouette qui me refusait le droit de porter des chemises slim. Une espèce d’Homer Simpson se tenait devant moi, le teint jauni par la nicotine, le dos courbé, le ventre mou et le jean trop serré. Je ressemblais à un vendeur d’aspirateurs dans les films américains des années 70. Un mec qui n’inspirait pas le glamour.
Ça m’a fait comme un choc. Je suis sorti de là l’air mauvais, le regard décidé à la Dirty Harry. Fallait pas me faire chier. J’ai sorti le paquet de clopes de mon blouson et l’ai broyé comme une boulette de papier, malgré la bonne dizaine de cigarettes qui survivaient à l’intérieur. Terminé. J’avais fumé ma première Phillip Morris à treize ans devant le cinéma de Vaucresson, pour voir. Presque quarante ans plus tard, je décidai d’en sortir. Et tout va bien, c’est réglé, jamais plus je ne fumerai.
J’ai tenu mais j’ai sans doute un peu trop compensé depuis. J’ai lâché les chevaux, vous comprenez ? On ne peut pas restreindre sur tout non plus. Résultat, le 13 janvier dernier, en l’an de graisse 2023, ma balance toute neuve m’indiquait 84,5 kilos… Mes 66 kilos d’antan étaient pulvérisés.
Mais ce coup-ci, comme l’an dernier avec les clopes, mon sang n’a fait qu’un tour. Je n’y peux rien j’avance par claques sinon je contourne. Petit coup de fil à mon vieux pote diététicien, mise en place du projet, rendez-vous sans concession, programme élémentaire, mots simples, compréhension réciproque, on va faire péter les crudités. Mais pour un mec qui ne cuisine pas et qui se méfie des naturopathes comme des curés, la moindre évocation de privation me donne envie de me jeter dans une baignoire de choucroute. Simplement pour affirmer à moi-même la liberté d’être con, en conscience.
Pour une fois je me suis obéi. J’ai fait surgir les carottes, les endives et les broccolis dans ma vie. J’ai enfin pris 3 minutes pour me demander ce qu’était une protéine. J’ai arrêté de regarder le mot féculent en ricanant parce que ça sonnait grivois. J’ai détruit les sucres, les machins transformés, les tonnes de viandes, les fringales. J’ai rangé la cuisine et acheté des cuiseurs. Je suis allé chez Picard, et pas pour des cônes au chocolat pistache. Je ne vais pas faire dans le frais tout de suite (faut pas déconner non plus, j’ai ma dignité), mais on m’a dit que le surgelé, si c’est bien fait, c’est mieux qu’une pizza cheezy crust avec une bière. Je m’en doutais intuitivement, mais maintenant je visualise.
Nous sommes le mardi 28 février, soit 45 jours après le début du défi, et ce matin je suis à 79,5… J’ai perdu 5 kilos en 45 jours mais je sens que j’ai juste atteint le premier palier, comme la moitié d’un marathon. En vrai, je sais que c’est vraiment maintenant que ça commence. Jusqu’à là c’était de l’eau et du gras de circonstances, le prix de la négligence facile. Un peu d’effort et ça corrige.
Mais désormais il va falloir attaquer les deux piliers du succès : la discipline et la persévérance. J’ai toujours manqué de la première, mais la deuxième je sens que ça vient. Je me suis mis à la callisthénie*, je fais des tractions et des trucs qui font mal toutes les deux heures, comme si j’avais vingt ans et que mon doudou c’était une Kettlebell**. Ça devient obsessionnel. Ma fille me suggère d’en parler à quelqu’un car on ne passe pas d’une entrecôte béarnaise à une cuillère de boulgour sans y laisser des plumes. Je ne suis pas inquiet, c’est conceptuel, je vis ça comme un voyage en terre inconnue.
Pris dans mon élan je fais le ménage dans mon appart, je vire tout ce qui prend la poussière. La santé c’est comme une roue, ça entraîne tout le reste. Je savais que le corps serait mon plus grand défi et mon plus fort moteur, et ça se confirme. Objectif 76 kilos, ça ne déconne plus ! Et je peux vous dire que le passage de Brad Pitt aux Césars m’a mis un petit coup de pied au cul. Je suis motivé comme jamais.
Pourquoi je vous raconte tout ça ? Parce que j’ai repris aussi l’écriture et que l’écriture est un muscle, ça fait partie de mon programme de callisthénie.
*Callisthénie : pratique consistant en un ensemble d'exercices physiques de gymnastique et de musculation visant à l'amélioration des capacités physiques et de l'esthétique du corps.
**Kettlebell : poids constitué d'une boule de fer moulée avec une seule poignée qui a la forme d’un arc fermé.
Tu fous un peu la pression avec ta kettlecouille, c'est presque mon parcours d'abdos...
Soutien, vas-y en éclaireur, je te suis de loin
Bisettes et anisette (fopadéconé)
Excellent !!! Bienvenu au club des quinquas en repentance, mais qui jouisse quand même de la vie !
Cyril