Après l'apocalypse, je suis le seul survivant, ou presque.
Penser l'avenir, toujours, pour survivre avec ou sans feu.
De temps en temps je me fais le trip que c'est la fin du monde tout ça, grosses explosions nucléaires totales avec montées des eaux, épidémies, glaciation et guerres infinies dans tous les coins. Genre sale période pour tout le monde. Plus personne ne parle des retraites, de cures ayurvédiques ou du PSG. Puis la poussière se dissipe, les semaines passent et on compte les bouses ; et là je peux vous dire que c'est le bazar.
Les communications ont été détruites, ainsi que les chaînes de production, les élevages, les magasins et toutes les directions des ressources humaines. Les états sont partis en cacahuète. C'est bien simple, il ne reste pas une institution debout, et des drapeaux déchiquetés sont retrouvés calcinés sous des carcasses de lave-vaisselles en miettes. Il n'y a ni police, ni armée, plus d'hôpitaux, plus d'écoles, ni de cantines. Les gens sont partis ; dans l'au-delà. Sur les huit milliards d'humains pré-Apocalypse, il n'en restent que quelques centaines sur toute la planète. Moins de mille personnes éparpillées, pour faire renaître quelque chose. Ou pas.
Bien entendu, je fais partie de ces élus, sinon c'est relou. Pour la beauté dramatique de mon scénario de déprime, tous mes proches sont morts dans d'atroces souffrances, ce qui me rend non seulement seul mais très triste, profondément meurtri dans une douleur en si mineur. J'erre dans les décombres, dans une ambiance radio-active qui me causera sûrement un petit cancer Tchernobyl-style dans quelques temps, mais pour le moment je respire et ça va.
Plus tard, nous nous rencontrons, avec d'autres, une douzaine de survivants venus d'ici et là, affamés. Je ne suis pas le plus vieux, il y a de tout.
Je repère rapidement les femmes en âge de procréer, par un réflexe qui tient à la fois du Darwinisme conceptualisé et d’une concupiscence à fleur de peau irradiée. Elles sont sept à pouvoir techniquement retenter l'expérience d'une humanité nouvelle. Bon, à l'évocation du projet nous apprenons que deux d'entre elles sont vraiment strictement lesbiennes et qu'il est hors de question d'imaginer quoi que ce soit de cet ordre ; fuck le système. Une troisième se dit non binaire mais est prête à convaincre sa partie féminine pour la bonne cause. Elles sont donc trois sur la feuille de match (deux d’entre elles sont hors jeu pour la procréation, mais la cougar de gauche me rappelle madame Rotzin, ma prof d’anglais de 4ème qui me rendait tout chose), et nous sommes cinq hommes, déjà bien chauds comme des lapins qui auraient survécu à une campagne intensive de Round-up. Ça creuse les envies, d'autant que les conjoints ayant tous disparus, nous sommes tous libres comme les premiers usagers de Tinder.
"Vous pourriez au moins commencer par réinventer l'électricité avant de penser à vous reproduire bande de chacals !", suggère un des gars de la bande, notaire de métier. Pas faux. Pour ma part je n'ai aucune idée de comment on fait de l'électricité et ça me soule d'y réfléchir. Je veux bien chercher à manger en revanche ; mais avec tous les animaux morts et avec de l'eau vérolée par des virus démoniaques, on ne va pas sans sortir. À moins de manger des panneaux routiers, riches en fibres.
"Je propose qu'on mange les gouines !", suggère une sénior qui habitait Versailles avant la guerre.
"Dis donc la vieille tu fermes bien ta gueule ou je fais rentrer ton dentier dans ton vieux fion de facho !", rétorque la jeune femme de la team LGBT.
Sale ambiance dans le terrain vague.
"J'ai entendu dire que des zombies rodent...", lance la plus jeune des rescapées dans un silence pesant.
"Des zombies ? Ça tombe bien, j'ai vu tous les films de zombies !", dis-je fièrement, sentant que je vais enfin avoir un rôle à jouer dans cette communauté.
"Moi aussi", dit un gars. "Moi aussi !", dit une autre meuf.
Voilà, nous sommes déjà trois sur le poste.
"Il faut faire un feu pour les faire fuir !", rajoute cette dernière.
"Mais non ça c'est pour les ours ! Les zombies adorent le feu...", répond le gars.
J'interviens.
"Il faut de toutes façons faire du feu, avec ou sans zombie, sinon on va crever de froid...".
Je marque des points.
"Quelqu'un sait faire du feu ?", demande la vieille versaillaise.
Personne ne lève la main.
"Putain on est douze survivants et y'en a pas un qui sait faire du feu ? c'est quoi le délire !", gueule un petit gars qui était resté silencieux jusque là.
"Quelqu'un sait-il fabriquer des allumettes ?", poursuit-il.
Non. Personne.
"Je sais que c’est à base de soufre, mais c'est tout", dit un chauve.
"Et c'est quoi le soufre, ça se trouve où ?", demande l’une des femmes.
“Dans ton cul !”, ai-je immédiatement répondu, faisant rire la jeune.
"Je crois que c'est un gaz", dit le notaire.
“Tu vois, j’avais raison !”, dis-je fièrement.
Et c'est ainsi, souvent, que se terminent mes délires. Par des vannes à deux balles et des problèmes techniques insolubles.
Complètement captivé ! Mais grande frustration quant à la "CHUT" de l'histoire :-)
Pour les allumettes, faut des arbres. Et des arbres, y en a plus mon frère ! Tous crevés. Alors le feu, ce sera à l'ancienne au silex. On n'est pas sorti des ronces. Je ne sais même pas si je parle à Chatgpt ou à un être humain. Drôle d'époque. Je plussoie pour le livre ou la série. Ouais une série, c'est bien, il n'y a pas de fin. Pour la fin du monde, c'est bien : un désastre sans fin. Vivement l'épisode 2.