Débile ou pas ?
S'il fallait donner un joueur à l'autre équipe, étiez-vous celui qui changeait d'équipe volontiers, enfilant rapidement le maillot adverse ? Ou celui qui aurait refusé jusqu'au bout ?
« Moins on a de connaissances, plus on a de certitudes », a-t-il écrit. Qui ça ? Boris Cyrulnik, le psy. Si je comprends bien l’idée, ça veut dire que quand t’es un peu limite côté QI, tu ne doutes de rien. Parce que tu n’as pas les moyens de comparer les solutions qui existent en catalogue. Pigé.
Il rajoute que « l’ignorance provoque un tel état de confusion qu’on s’accroche à n’importe quelle explication afin de se sentir un peu moins embarrassé ». J’adore. Ça expliquerait les fachos, les racistes, les intégristes et tout un tas de tarés. Pas sûr cependant, car peut-être que ces tarés ne sont pas sur le terrain de la connaissance. Ils sont juste sur le terrain de leurs intestins. Leur pensée se fait par leur deuxième cerveau et s’expriment par le colon, d’où l’odeur.
C’est pas con ça.
« Quand tu vois l’abruti qui a poignardé le touriste allemand, tu te doutes qu’il n’a pas lu tout Freud. Au-delà d’être dérangé, je parie que le mec n’est pas très bon au Trivial Pursuit. C’est la civilisation des débiles mentaux ! », m’a dit mon pote Patrick qui a toujours voté à gauche mais se prépare à faire son coming out politique pour 2027. « Tu vois, j’en ai marre. Les bons sentiments ça conduit à ça. Les tarés sont en libertés et les gentils que nous sommes se font buter, et il se passe rien ! ». Patrick est remonté, et le problème c’est qu’il n’est pas débile, loin de là. « Mais tu parles des tarés au sens large ou à une famille de tarés en particulier ? », lui dis-je innocemment. « Tu sais bien de quoi je parle… », répond-il à voix basse, comme si nous partagions une pensée de contrebande.
En effet, je vois de quoi il parle. J’aimerais lui faire dire les mots, les vrais. Arabes ? Musulmans ? Islamistes ? Je sais qu’il connaît les nuances, mais sa pensée n’en n’a plus cure. La petite musique se fait entendre partout dans les dîners et sur les plateaux, et Patrick se sent pousser des ailes. « La gauche n’a pas voulu voir le problème, et maintenant c’est trop tard. Mélenchon est cramé, Ruffin est isolé, Roussel est trop clivant, Faure est nul, les autres n’existent pas… ». Je l’observe zigzaguer dans ses arguments auto-convaincants qui lui donnent peu à peu l’autorisation de se rapprocher de l’ennemi historique.
Ça me rappelle quand nous étions plus jeunes au foot, le dimanche. On jouait le match à onze contre onze et soudain deux de nos amis d’une même équipe annonçaient qu’ils devraient rentrer, que leurs parents les attendaient. Il fallait alors qu’un joueur de l’autre équipe passe de l’autre côté pour équilibrer. Il y avait quelque chose d’excitant à être ce joueur. Un besoin de nouveauté, de marquer dans l’autre sens, de regarder autrement celui qu’on taclait cinq minutes plus tôt, d’affirmer sa liberté et le pouvoir d’influencer le score de façon différente.
Aujourd’hui le pote Patrick est dans le rond central. Il n’a pas encore enfilé le maillot adverse mais il est prêt. Il a pourtant toutes les connaissances, mais de nouvelles certitudes.
Il faut avouer que la tentation est grande car la solution parait facile ... :( Mais c'est flippant de s'entendre penser ça quand c'est à l'opposé de sa philosophie ... il faut croire que malheureusement c'est 'humain'