Soudain je m’imagine que je suis un gros bâtard.
Pieds nus au bord de ma piscine, entouré par des femmes à la raie apparente ; il y a des bulles de caviar qui flottent dans l’atmosphère. Le soleil brûle leurs peaux satinées, tout est glaçon, tout est humide, tout est possible. Je fume sans tousser des Cohiba exquis, saveurs de guérilla qui ne ternissent pas ma morale. Je suis millionnaire en opiacés, les cristaux blancs brillent sous les nez et j’emmerde l’univers. L’argent circule, les politiques qui m’aiment se régalent au club house et je ris gras à chaque minute. Des hommes surveillent mes arrières et je peux m’offrir à peu près tout, attisant les jalousies, suscitant des vocations meurtrières. C’est le prix à payer pour entrer dans la brigade des stupres.
Orgies et gourmandises cinq étoiles, palaces et voitures de luxe, côté obscur aux contours lumineux, sentiers d’herbe tondue et manucurée, flamands roses de compagnie, marbre à tous les étage, tennis où personne ne joue à part les pissenlits qui poussent entre les lignes, fêtes sublimes où le gratin se joint à la petite vertu dans un même sourire complice, chacun sachant pour l’autre mais prenant du plaisir.
On ne peut pas changer le monde alors profitons-en ! Au diable les crevards, ils sont la quantité négligeable. Qu’ils manifestent, se tiennent la main ou prient la vierge, ça les occupe. Moi je caresse des seins et défie l’espèce dans un même mouvement, jetant aux chiens les billets pour l’enfer. Le temps est compté, je veux croquer la vie avec passion et fermeté. Je conchie les valeurs molles. Laissez-moi jouir de tout, vos pensées sont des pets.
… Alarme … Réalité …
Le goût de la chair est doux mais le réveil amer.
Lutter chaque jour contre la pente sanguinaire.
Se souvenir des belles choses, des sourires, des rivières transparentes, des sacrifices héroïques, du don de soi, de la tendresse, de la beauté des sites, des caresses infinies, du coeur qui bat, des amitiés sincères, d’un arc-en-ciel soudain.
De la tranquillité des conversations lentes et intimes, du silence quand la mer clapote sur le sable nocturne et qu’au loin la lune signale sa présence.
Ces moments doux que l’on voudrait ne jamais s’arrêter, gratuits, ne menacent personne. Sans contrat sur le dos.
Ce rêve est indomptable et dure toute une vie.
Je n’envie ni les loups ni les hyènes, et comme l’immense majorité de mes amis humains, je n’espère qu’une seule chose c’est vieillir tendrement à l’abri des douleurs et de ses tremblements, bercé de brises légères et de soleil, entouré de gens bien, correct avec les autres dans la mesure de mes imperfections, contrôlant mes pulsions quand elles sont destructrices, assumant mes cicatrices, luttant pour les belles idées, entretenant mon humanisme tant que tout est encore clair dans mon esprit.
Un jour viendra, les muscles et les idées iront en maigrissant. Je regretterai tous les soleils. Alors en attendant j’arrache les pissenlits et tapote quelques balles avec un bon ami, et nous trinquerons ensuite au plaisir d’être en vie et d’avoir réussi à aimer qui nous sommes sans pourrir pour cela d’autres vies, d’autres hommes.
¡caramba! :-)