À vue de nez, sans accident qui est si vite arrivé, je suis au début du troisième tiers de vie.
Normalement c'est le tiers payant. Normalement.
Mais je sens que je suis loin de la maturité. J'ai des relents de connerie et des retours d'acné.
Plus j'avance, plus je recule. Comment voulez-vous.
Impression que je n'apprends plus rien, que j'en sais de moins en moins sur de plus en plus.
Je ne crois plus aux théories, je leur trouve l'air hautain.
Comme une clémentine qui se prendrait pour une orange.
Les théories circulent, les thé au lait restent.
Les preuves m'angoissent, les certitudes foutent la poisse.
Moi aussi j'ai un bracelet électronique, et une appli qui me suggère de marcher.
Mais je reste assis, je suis un sacré rebelle.
Si je changeais de montre ce serait comme si je mourrais ; plus personne ne compterait mes pas.
Pour le sommeil c'est pareil, c'est pratique, désormais je sais exactement quand je ne dors pas.
Je ne vieillis pas, je grandis.
Il paraît que les éléphants nous trouvent mignons, surtout les blonds vénitiens.
On a fait faire un QCM à un panel d'éléphants, cinq en Asie, deux en Afrique. “Oui”, “non” ou “je ne sais pas”.
Pas facile de tenir un stylo quand on est un éléphant, mais avec de la volonté, ou une bonne IA, tout est possible.
Il y a eu six “oui” et un “je ne sais pas”. Un timide qui avait peur de se tromper.
Ils nous trouvent mignon à quatre vingt pour cent. C’est mieux que quatre-vingt pur-sangs. Les poules nous trouvent laids mais c'est par vengeance. Ne jamais croire une poule.
Je ne vieillis pas, je grandis. Je l'ai déjà dit ? Peut-être oui.
Autour de toi il y a des cancers et des AVC, tu passes entre les gouttes.
C’est la vie, comme un enfant non désiré qui découvrirait que son père est un chacal et sa mère une motte de beurre. Que le souffle est apparu par hasard, pondu dans le silence d’un recoin de planète, isolé dans l’infiniment détaché.
Rien de magnifique, peu de gloire, une vaste blague sans public.
La vie comme un chuchotement de matière, au fin fond d’un univers sans direction, comme un accident de parcours sans conséquence, une quantité négligeable dans le temps et l’espace, une illusion d’importance dans une addition de silences, de comètes, de vides et d’explosions.
Parce que nos cerveaux créent des mondes ils pensent que le monde a été créé.
L’idée d’un hasard de parcours serait tellement minable.
La mer est froide, indifférente, comme le ciel et toutes les matières. Assemblage de données insensibles qui rôdent autour de notre conscience sans conscience, ruine de l’âme.
L’absence deviendra notre chef d’oeuvre, l’équilibre cosmique enfin reconstitué quand notre non-existence-d’après rejoindra notre non-existence-d’avant, oubliant ce pet ridicule que fût la vie et son sac d’anecdotes sans importance qui constituèrent l’essentiel de notre emploi du temps.
Nos aléas, nos courants d’air.
Cette grandeur que nous nous donnons car c’est depuis nous que s’appréhendent les couleurs, les parfums et les sons.
Depuis cet axe central que dirige notre regard, centré dans un monde sans centre, comme si un grain de sable décidait qu’il était l’empereur de la plage, incapable d’imaginer l’horizon vu d’ailleurs.
Quand la vie n’a pas plus de valeur que la roche ou le yahourt. La hiérarchie des atomes n’est pas établie ; ce n’est pas parce que nous pensons que la pensée a du panache.
Ni plus ni moins que la poussière ou le silence.
Comme si la conscience était noble et l’étoile inutile ; je ris, de cette prétention boursouflée qui place notre intelligence au-dessus des éléments.
Ne faisons pas de la vie un triomphe ou un aboutissement, c’est comme un gaz sorti du vide, un dérapage de l’espace temps et l’espace temps n’a pas de conscience.
Détendons-nous, les mystères sont des formules à part, des équations inopinées, des calculs sans valeur. La fleur qui pousse n’est pas plus belle que la bouse du yack.
Je m'exfiltre. Comme Maxwell.
Faire le pitre, and fuck the hell.
Tu commences à être un vieux sage Cyrille
Sans théorie mais un vieux sage élégant
Perso je mesure mon niveau de sagesse à mes célébrations de joie quand je bats mes filles de 9 et 11 ans à Mario Kart. J’ai encore du chemin vers la sagesse (a 54 ans…)
Chouette, le Vinvin AOC is back ! Merci à la Face au passage de m'avoir aiguillé sur ce contenu intelligent et surtout sans artifices. Tes premiers posts d'antan ont accompagné mes premiers pas de freelance dans le web, et ce début d'année est justement un tournant. Décidément... 😉