Pour affronter le bruit du monde, je mets la musique plus fort.
Je ne devrais pas, je sais, c'est moche. Mais le bruit du monde me donne des nausées, parfois même des irritations dans l'interfessier.
Je me sens envahi par mon incapacité à comprendre, encaisser, décider quelque chose d'utile, me mettre en mouvement, agir, et me sentir fier. Je ne suis ni militant, ni engagé, ni très investi dans quoi que ce soit en dehors de mon cercle le plus intime, et je ne parle plus de l'interfessier.
Les activistes me font peur, et je me demande comment on en vient à se coller les mains au bitume ou à jeter de la peinture sur une oeuvre d'art. Je suis saisi d'effroi par tant de passion destructrice, de certitudes si fièrement affichées, de slogans usés comme le monde, peints à l'arrache sur des cartons usés. J'envie les investis comme j'admire les croyants, adeptes d'un modèle et priés de s'y tenir. Les gens qui savent me font peur, ils ont le regard à la fois vide et ulcéré par leurs injonctions mécaniques. Fossoyeurs de la nuance, pour eux la fin justifie les moyens. On sent dans leurs sourires parfois la suffisance détestable de la vérité révélée face à l'impie désabusé que je représente.
Observateur tétanisé du monde, je ne peux qu'encaisser en gardant les poings bien fermes devant le visage.
Je ne crois pas aux équations résolues, je vois trop d'inconnus. Nous serions le début et la fin ? Quelqu'un ou quelque chose se seraient employés à nous penser puis nous abandonner ? Il y aurait une raison et une finalité ?
Je sais au plus profond de moi que tout est caduque mais j'ai l'immense tristesse de me taire car je ne fais pas confiance à mes propres jugements, je ne leur donne aucun crédit, ils ne sont fondés sur rien ; je représente à peine quelques grammes de temps et d'espace dans un ensemble infini et incompréhensible. Comme si une fourmi au pied de son sequoia au coeur de l'Amazonie pouvait imaginer la gueule d'un iguane dans le désert du Mali. Aucun rapport, je sais, et c'est ça l’idée : je ne vois aucun rapport dans quoi que ce soit. Je vois le monde comme une démarche stupide, un agencement sans fondement, on y revient. La preuve de rien, c'est la seule certitude.
Les grandes pensées ont été rédigées par cinq philosophes grecs il y a des siècles, et depuis nous faisons du bruit pour cracher des variantes en se félicitant. On se démerde pour survivre, on se lève comme on se couche avec l'envie de pisser et l'obligation de se relever. Un réseau de complexité dirigé par deux kilos de cervelle, une sorte de singe en col roulé qui se croit un peu malin parce qu'il sait jouer au bowling ou fabriquer du papier bulles.
Je ne nous donne aucun crédit.
Ponctuellement je peux admirer une performance et vouloir soudainement devenir tel ou tel. J'ai mes modèles virtuels, Clint Eastwood, Etienne Klein, John Cleese ou Dupontel. Mais je ne les mettrai pas plus haut que mon cul, c'est à dire pas très haut. Ils sont eux aussi des fourmis laborieuses, élaborant leurs théories, faisant bien ce qu'elles peuvent pour se tirer d'affaires.
Les gens qui savent m'ont toujours fait peur. Face à eux je ne sais pas quoi dire, et jamais je ne débats. Je suis épaté, j'observe, je prends note, parfois j'ai mal. Heureusement on trouve parfois matière à discuter entre personnes civilisées, c'est-à-dire un peu dignes. J'aime ce mot, dignité. On oublie qu'il est en tête de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. "Considérant que la reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine...", blablabla. Les fourmis s'agitent pour réparer leurs massacres, collent des mots sur les maux et pensent qu'il y a progrès mais très vite les démons réapparaissent de tous côtés et la grande absurdité radicale reprend ses droits. Connerie en THX, aucune leçon de rien, confusion générale, vulgarité à tous les étages, on a plus qu'à scroller pour oublier, ou peut-être vaudrait-il mieux oublier de scroller.
Pour affronter l'actualité, je mets la musique plus fort. Je vais promener mon clebs en écoutant FIP parce que France Info me donne des nausées, parfois même des irritations dans l'interfessier.
Bein tu me ressembles d’avantage qu’à Forestine au final. Désolée !
Whaou, ça fait du bien de voir si précisément formulé ce qu’on a dans la tête… genre effet thérapie. J’ai pu baisser 2mn la musique pour apprécier la justesse de tes mots.
C’est bon comme un jour sans beure cette petite humeur matinale et comme c’est la fête des amoureux joyeuse fête => https://youtu.be/VFEZ5cxUYWM